Chapitre 3
Walcaud et Silyen progressaient à marche forcée à travers les fourrés, en direction du cœur de la forêt. Le Soleil était levé. Walcaud, agile, maintenait une cadence marathonienne. Silyen le suivait sans peine : elle utilisait ses tentacules comme des pieds supplémentaires pour se donner de la vitesse.
« Pourquoi tu es aussi précipité ? On aurait dû aller au hameau des Mando. La matriarche a horreur qu’on s’en prenne à ses avant-postes. Elle leur aurait envoyé un raid et on les aurait tous tués ! s’exclama la sirène.
– La situation est un peu différente. Si les gobelins ont des armes en fer et si on connaît l’emplacement de leur cachette, alors on doit aller vérifier au plus vite, avant qu’ils ne déménagent. C’est pour ça qu’on me paye… » répondit le mercenaire.
Silyen ne semblait pas convaincue ; elle regardait Walcaud et fit la moue.
« Si c’était si pressant, je ne vois pas pourquoi tu as pris tous ces machins avec toi ! Ça t’encombre, et tu as pris un temps fou à tous les rassembler !
– Ce n’est pas « des machins », ce sont mes armes ! »
Il ouvrit son sac et montra fièrement son contenu : de la corde coupante pour installer des pièges, des parchemins de sortilège, une dague, des aiguilles empoisonnées, des bombes de fumées…
« D’ailleurs, ça m’étonne que toi, tu ne te sois pas plus préparée ! Regarde, t’es à moitié à poil. »
Il est vrai que les sirènes s’habillaient peu : du tissu bleu agrafé sur le torse pour se cacher la poitrine, un large pagne noué sur les hanches, et c’était tout. Quant à la culotte, elles n’en portaient que si elles en trouvaient — et elles n’en trouvaient pas souvent.
« … et habituellement, ce n’est pas pour me déplaire, mais nous allons nous battre, quand même, et c’est un peu léger. Tu n’as même pas d’armes ! »
Silyen haussa les épaules et se saisit d’un long bâton ; elle en écrasa le bout avec ses mâchoires et le rendit pointu avec ses dents effilées.
« Voilà, dit-elle en recrachant des copeaux. Et si ça ne suffit pas, j’ai toujours mes tentacules. Tu devrais plutôt t’inquiéter pour toi. Si tu perds ton sac à machin, je me demande bien comment tu vas te battre. »
Elle terminait à peine sa phrase qu’un sifflement strident déchira l’air. À deux centimètres de la tempe de la sirène, Walcaud venait d’arrêter une flèche gobeline à main nue.
« Comment t’as fait ça ?! » s’exclama Silyen. Les veines de Walcaud autour de ses yeux étaient gonflées et étincelaient d’une couleur verte.
« Magie. Les elfes ne sont pas les seuls à pouvoir l’utiliser.
– J’ai déjà vu de la magie, mais ça, c’est la première fois !
– C’est parce que j’ai du sang noble. », répondit-il. Il tira son arbalète de son sac et dégomma l’archer sans même le regarder.
« On est encerclé. », déclara-t-il, alors qu’une dizaine de gobelins sortaient de derrière les arbres. Tous étaient équipés d’épées en fer.
« Ils sont nombreux, fit Walcaud.
– Mais on s’y attendait. », répondit Silyen.
Walcaud écrasa une boule fumigène sur le sol avant que ses adversaires n’aient pu s’approcher. Filant comme une ombre, il passa derrière les petits monstres ; d’un coup de dague bien placé, il en égorgea deux, donna un coup de pied à un troisième, récupéra son épée et la lui planta dans le crâne.
Les deux autres qui lui faisaient face décidèrent de fuir, mais ils se firent dégommer par son arbalète. La victoire était totale.
« Alors ? » demanda-t-il en se retournant vers Silyen, fier de lui.
« Hein ? » dit la sirène en desserrant ses dents, recrachant du sang et de la chair qu’elle avait arrachée à une victime. Avec ses tentacules, elle en étranglait quatre autres, leur serrant le cou si fort qu’elle leur avait brisé la nuque.
« Euh, non, rien… »
Silyen lâcha les monstres ; ils s’écrasèrent au sol comme de vieilles poupées de chiffon.
« Tu vas pas avoir beaucoup besoin de moi… » dit Walcaud avec un demi-sourire.
Silyen resta silencieuse, regardant un carquois gobelin.
« Merci pour la flèche de tout à l’heure. Sans toi, je serais déjà morte. »
Walcaud haussa les épaules.
« Disons qu’on fait une bonne équipe. » dit-il avec un sourire. Silyen détourna le regard et continua sa marche.